Auteuil, terre de legendes

Théâtre de purs morceaux de bravoure du sport hippique, le champ de courses parisien vibre d’une légende inoubliable.

Aux portes de Paris, en bordure du bois de Boulogne, Auteuil est aujourd’hui, avec Enghien, le seul hippodrome parisien où se disputent des courses d’Obstacle.

Apparu en France vers 1830, l’Obstacle met un peu de temps à trouver sa place dans le paysage hippique. Pratiquée au début de manière informelle (à travers champs ou dans des parcs), la discipline « erre » longtemps sur plusieurs hippodromes de la région parisienne et reste confidentielle. À partir de 1863, elle trouve refuge à Vincennes, qui vient d’être édifié à l’est de la capitale. Le désastre de la guerre de 1870 et la fermeture de ce qui deviendra le Temple du Trot met fin à cette expérience prometteuse.

C’est dans ce contexte que, le 18 février 1873, la Ville de Paris accorde à une toute jeune société de courses (qui prendra rapidement le nom de Société des Steeple-chases de France) une concession dans le bois de Boulogne afin d’« y créer un hippodrome de courses d’obstacles ». Il s’agit d’une clairière de 36 hectares, au sol marécageux et traversée par des chemins, qui s’étend entre les portes de Passy et d’Auteuil. Le site est enserré, à l’est, par les fortifications qui ceinturent alors Paris et, à l’ouest, par la butte Mortemart, constituée des déblais retirés lors du creusement des lacs du bois de Boulogne.

Plus d’un siecle d’Histoire

L’hippodrome ouvre ses portes le 1er novembre 1873. Un architecte réputé, Walter Destailleur, a édifié une tribune de 75 mètres de long où 4 270 spectateurs payants prennent place pour assister, sous une pluie battante, à trois courses. L’Histoire est en marche.

Dès 1874, la piste est complétée par un parcours en forme de « huit » qui partage le centre de l’hippodrome en trois pelouses. Ces dernières recevront rapidement, de la part des turfistes, des surnoms exotiques en raison de leurs formes : Madagascar, Congo et Tonkin. Avec la loi de 1891 autorisant le pari mutuel, Auteuil connaît sa première grande vague de travaux l’année suivante : construction de baraques de pari mutuel, création de voies d’accès et de circulation, percement d’un tunnel vers la pelouse, édification de deux pavillons (dont un dédié à la presse) et ouverture d’un bar pour les jockeys. Auteuil est désormais la place forte de l’Obstacle en France.

La Première Guerre mondiale, durant laquelle les pistes de l’hippodrome servent de pâturages à bovins, marque logiquement un coup d’arrêt. Auteuil ne renaît véritablement qu’en 1924 avec l’inauguration des tribunes actuelles et la création de nouvelles pistes, dont la fameuse piste extérieure des steeple-chases et son non moins célèbre rail ditch and fence. Le second conflit mondial fait perdre (temporairement) sa vocation à Auteuil. Une des pistes d’Obstacle est en effet supprimée et remplacée par une piste plate, utilisée jusqu’à la fin de l’Occupation.

À partir de la fin des années 1960, l’hippodrome connaît sa deuxième grande vague de travaux. Dès 1966, Auteuil est le premier champ de courses français à se mettre à l’heure du pari électronique : les cotes sont désormais affichées en temps réel sur quarante-cinq écrans de télévision. À partir de l’été 1967, un plan de modernisation des installations, étalé sur une quinzaine d’années, démarre. En raison de la construction du périphérique, le tracé des pistes est modifié et les écuries sont déplacées. En 1971, deux tunnels sont percés sous les pistes pour permettre aux piétons de rejoindre les portes d’Auteuil et de Passy et, en 1975, un nouveau rond de présentation est créé. Enfin, les tribunes sont entièrement rénovées sur plusieurs années.

Le Temple de l’Obstacle

Auteuil est connu dans le monde entier pour sa difficulté : deux pistes, neuf parcours possibles et 26 obstacles ont fait de ce site une référence mondiale en matière d’Obstacle.

Seul obstacle à n’avoir pas changé depuis l’origine, la rivière des tribunes (5,50 m de large) est l’un des plus réputés. C’est aussi le « spot » préféré des photographes à la recherche des plus belles images. Le rail ditch and fence (4 m de large et 1,60 m de haut), très vite surnommé « le juge de paix », est certainement le plus redouté par les jockeys.

Mais les noms de bull-finch, double barrière, oxer, mur de pierre, rivière du huit, talus en terre, petit, moyen et gros open-ditch ou brook résonnent aux oreilles des passionnés comme autant de sauts absolument uniques. Auteuil est bien le Temple de l’Obstacle.

Quand le president prend un coup de canne...

La chronique d’Auteuil est jalonnée de petites et grandes histoires. Certaines petites rejoignent parfois la grande, comme en ce 4 juin 1899, lorsque le président de la République, Émile Loubet, est pris à partie par des manifestants antidreyfusards. Une canne s’abat sur son haut de forme. Les commissaires doivent présenter leurs excuses à leur invité, tandis que la police procède à l’arrestation de quarante-trois jeunes gens.

Dix ans plus tard, le 20 juin 1909, c’est une grève des lads qui retarde l’arrivée des chevaux qui doivent participer au Grand Steeple-Chase de Paris. Les vans arrivent à Auteuil sous protection de la police et le départ peut être finalement donné à 17h00. Prudent, le président de la République, Armand Fallières, ne s’était pas déplacé...

Des sauteurs de legende

Auteuil est d’abord l’arène où des gladiateurs d’exception ont forgé leur légende. Sept d’entre eux auraient sans nul doute leur place au panthéon de la butte Mortemart.

- Blagueur II : vainqueur de Grande Course de Haies d’Auteuil en 1910, il remporte le Grand Steeple-Chase de Paris l’année suivante. C’est le premier à réaliser cet exploit.
- Le Paillon : en 1947, ce mâle de 5 ans remporte la Grande Course de Haies d’Auteuil en juin, puis le Prix de l’Arc de Triomphe sur le plat en octobre !
- Loreto : lauréat de la Grande Course de Haies d’Auteuil en 1958, il s’adjuge, cinq ans plus tard, à l’âge de 9 ans, le Grand Steeple-Chase de Paris.
- Hyères III : en 1966, cette jument remporte son troisième Grand Steeple-Chase de Paris consécutif et établit ainsi un nouveau record.
- Katko : en 1990, le hongre du comte de Montesson enlève pour la troisième année de suite le Grand Steeple-Chase de Paris et égale le record d’Hyères III.
- Ubu III : renouvelant l’exploit de Blagueur II et de Loreto, le cheval de la marquise de Moratalla remporte la Grande Course de Haies d’Auteuil (1992 et 1993) puis le Grand-Steeple Chase de Paris (1995). Quelques minutes après avoir réalisé son chef d’œuvre, il meurt, victime d’une rupture d’anévrisme.
- Al Capone II : lauréat du Prix La Haye Jousselin pendant sept années consécutives (entre 1993 et 1999), ce sauteur absolu dispose de sa statue, grandeur nature, sur l’hippodrome d’Auteuil depuis l’an 2000.

Les grands rendez-vous

Auteuil accueille toutes les plus grandes épreuves françaises d’Obstacle. Deux temps forts rythment particulièrement l’année.

Le dernier dimanche de mai, le Grand Steeple-Chase de Paris est l’événement le plus spectaculaire. Depuis 1874, il sacre, au terme d’un parcours long de 5 800 mètres, le meilleur steeple-chaser de la saison. Trois semaines plus tard, la Grande Course de Haies d’Auteuil, la plus prestigieuse du calendrier dans cette spécialité, sacre, elle, le meilleur hurdler.

Depuis 2005, le Week-end International de l’Obstacle s’impose comme le deuxième rendez-vous majeur d’Auteuil. Il regroupe, sur deux jours du mois de novembre, quatre épreuves historiques de Groupe I : le Grand Prix d’Automne (Haies), le Prix Cambacérès (Haies pour 3 ans), le Prix Maurice Gillois (Steeple-chase pour 4 ans), et le Prix La Haye Jousselin (Steeple-chase), véritable point d’orgue du week-end.


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